Les bouts d'encre
De près ou de loin, on en vient de temps à autres à jeter un petit coup d'oeil derrière notre épaule. On réfléchit, on tente de se souvenir d'un nom, d'un visage, du pourquoi d'une dispute, de l'origine d'une rumeur. Il est aussi de ces après-midi où la météo pluvieuse n'encourage pas forcément à mettre le nez dehors... C'est à ce moment, entre tasses de thé et petits biscuits, que ressortent les vieux albums photos, de cette époque où les clefs ne servaient qu'à ouvrir un serrure. Que cela se passe en famille ou entre vieux amis, on se retrouve systématiquement plongé dans cette atmosphère quelque peu surréaliste, mélant les faits réels et ceux que l'on a sublimés, exagérés ou juste fantasmés...
Il y a dans ma maison, un tiroir malicieux qui recèle quelques trésors surannés : des secrets de jeunes filles et conseils de beauté d'un autre âge, des cartes postales plutôt fantasques, des déclarations d'amour passionnées, des souvenirs de jeunesse... Je ne m'y recueille pour ainsi dire jamais mais les savoir près de moi me rassure, bien que j'en connaisse presque par coeur chaque détail. Je les conserve avec soin, à l'abri des regards trop curieux ou indiscrets. La boîte à chaussures est devenue boîte de Pandore. Les rares fois où je l'ai ouverte, je me suis remémorée la jeune fille si impatiente que j'étais, un peu rebelle et à fleur de peau. A travers les courriers qui lui ont été transmis alors, cette adolescente idéaliste se matérialise quelque peu : j'arrive parfois à sourire de ses prises de positions et de ses incertitudes, j'excuse un peu son caractère trop impulsif, et je soupire devant la naïveté et l'empressement de ses sentiments.
J'imagine que grâce à ces petits bouts d'encre, une jeune fille parviendra peut-être à découvrir sa maman sous un autre jour.